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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS



COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE PARIS

Autorisation du propriétaire pour demander un permis de construire

statuant au contentieux 4ème chambre
N° 05PA04993
Inédit au Recueil Lebon
Mme Chantal DESCOURS GATIN, Rapporteur
M. TROUILLY, Commissaire du gouvernement
M. MERLOZ, Président
FROMENT-MEURICE
Lecture du 24 avril 2007
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu, enregistrée le 29 décembre 2005, la requête présentée par la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS, dont le siège social est PB 8211 à Nouméa (98807) Cedex, représentée par le président de son conseil d’administration, par Me Froment-Meurice ; la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 05149 en date du 29 septembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Province nord à lui verser une somme de 110 396 917 francs CFP à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la réception par les services de la Province nord de la demande préalable d’indemnisation en date du 23 novembre 2004 ;

2°) de condamner la Province nord à lui payer la somme de 110 396 917 francs CFP à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la réception par les services de la Province nord de la demande préalable d’indemnisation en date du 23 novembre 2004 ;

3°) de condamner la Province nord à lui payer la somme de 3 000 euros (357 157 francs CFP) en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la communauté européenne ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 avril 2007 :
- le rapport de Mme Descours-Gatin, rapporteur,
- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments soulevés par la société requérante à l’appui du moyen tiré des promesses non tenues, après avoir précisé les circonstances de fait, en a tiré la conséquence que "les éléments de fait ne permettent pas de tenir pour établies les supposées promesses dont se prévaut la société requérante" ; que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS n’est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;

Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif n’était pas tenu de répondre à des moyens inopérants ; qu’ainsi, d’une part, étant donné la situation juridique dont il avait à connaître, relative à la Nouvelle-Calédonie où le droit communautaire ne s’applique pas, le tribunal a pu ne pas répondre au moyen inopérant tiré de la méconnaissance par la Province nord des principes de confiance légitime et de sécurité juridique, d’autre part, qu’en jugeant "qu’il ne résulte pas de l’instruction que dans le cadre de l’extension de la ferme aquacole de Foué, la Province nord se soit engagée dans un partenariat avec la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS", il a implicitement, mais nécessairement, écarté le moyen tiré de la violation des obligations de bonne foi et de loyauté, qui ne trouvent à s’appliquer qu’en matière contractuelle ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS n’est pas fondée à contester la régularité du jugement précité ;

Sur le fond :

Considérant que, pour demander la condamnation de la Province nord à lui verser une somme de 110 396 917 francs CFP à titre de dommages-intérêts, la société requérante invoque diverses fautes qui auraient été commises par la Province nord au cours de l’instruction de plusieurs projets d’extension de sa ferme aquacole située, initialement, à Foué ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS soutient que la responsabilité de la Province nord serait engagée du fait de promesses non tenues ; qu’il résulte de l’instruction que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS, propriétaire d’une ferme aquacole située à Koné, sur la presqu’île de Foué, a, par une lettre en date du 27 mai 1997, informé le président de l’assemblée de la Province nord de sa volonté de procéder à l’extension de sa ferme aquacole et attiré son attention sur le montant des subventions susceptibles d’accompagner ce projet ; qu’à la suite de l’opposition manifestée par les habitants de Koné au projet d’extension, la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS a choisi un autre site pour son projet d’extension, celui de Kaala-Gomen, ce dont elle a informé le 9 août 2000 le président de la Province nord, auquel elle a également présenté une demande de subvention le 18 septembre 2000 ; que, par une lettre en date du 15 mars 2001, le président de la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS a informé le président de la Province nord de son choix d’un nouveau site, celui de Canacout, sur le territoire de la commune de Voh et présenté une demande de subvention, à laquelle le président de la province a répondu le 7 juin 2001 en se bornant à indiquer notamment que cette étude pourra bénéficier d’un financement provincial au titre de la délibération n° 17/2001-APN et en suggérant à la société d’adresser rapidement une demande formelle pour cette étude ; que, par une décision en date du 25 mai 2004, se fondant sur la rehausse des cotes d’inondation induites par le projet et suscitant l’hostilité de la population de Koné, le président de la Province nord a rejeté la demande d’extension de la ferme de Foué ; que les réponses qui ont été apportées par la province nord à la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS au cours de l’instruction des demandes administratives formulées par celle-ci ne peuvent être regardées comme des engagements à l’égard de cette société ; qu’en particulier, contrairement à ce que soutient la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS, ni le contenu de la lettre adressée le 2 octobre 2000 par son président au président de la Province nord, ni celui de la réponse apportée le 7 juin 2001 par le président de la province aux demandes de subvention présentées par la société n’ont constitué de tels engagements ; que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS n’est donc pas fondée à mettre en cause la responsabilité de la Province nord du fait d’une promesse non tenue ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante invoque l’illégalité de la décision en date du 10 octobre 2003 par laquelle la Province nord l’a informée de ce que l’instruction de son dossier de demande de permis de construire sur le site de Canacout (commune de Voh) était suspendue en l’absence de la production des autorisations écrites des propriétaires privés des lots devant supporter les installations ainsi que du détail des installations par lot ; que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS soutient qu’à l’appui de sa demande déposée le 2 avril 2003, elle avait produit un compromis de vente et un bail emphytéotique sous conditions suspensives, lesquels constituaient des titres l’habilitant à construire ; qu’à supposer que la société requérante ait produit à l’administration le compromis de vente signé le 16 octobre 2002 avec M. et Mme F pour l’achat d’un terrain de 13ha 75a 56ca, provenant du morcellement Ouaco-Tziba, il ne résulte pas de l’instruction que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS ait également fourni à l’administration le contrat de bail emphytéotique portant sur un terrain de 17 hectares conclu le 17 octobre 2003 avec M. W ; qu’ainsi, l’administration a pu, à bon droit, considérer que le dossier de la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS était incomplet et suspendre, pour ce motif, son instruction ; qu’en tout état de cause, la décision de la Province nord n’a pas constitué un refus d’instruire le permis de construire, soumis à l’obligation de motivation en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant en troisième lieu, que la société requérante soutient qu’elle satisfaisait à toutes les conditions pour pouvoir bénéficier d’une subvention et qu’en rejetant ses demandes de subvention, la Province nord aurait commis une erreur manifeste d’appréciation ; qu’il résulte de l’instruction qu’en réponse à la première demande de subvention présentée par la société par lettre du 27 mai 1997, le président de la Province nord lui a indiqué, dans une lettre en date du 15 septembre 1997, "que la collectivité exige pour se prononcer une instruction et une présentation du projet en commission de développement économique, puis en assemblée de province" et lui a demandé de communiquer à la province les informations nécessaires ; qu’à la suite de nouvelles demandes de subventions présentées par la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS, la directrice du développement économique et de l’environnement de la Province nord lui a répondu, par une lettre en date du 7 juin 2001, d’une part que les dépenses d’études exposées pour le site de Foué ne pourraient faire l’objet d’une subvention dans le cadre de la délibération n° 17/2001-APN du 20 mars 2001, mais que leur coût pourrait être intégré au montant global de l’investissement du projet sur le site de Canacout, d’autre part que l’étude réalisée pour le site de Canacout pourrait bénéficier d’une subvention au titre de la délibération du 20 mars 2001, suggérant à la société de présenter une demande formelle pour cette étude ; que, par la même lettre, il était également demandé à la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS d’adresser à la direction du développement économique et de l’environnement "tous les éléments nécessaires à l’instruction de ce dossier pour qu’il soit présenté dans les meilleurs délais à la décision des élus de la Province nord" ; que, par une lettre en date du 11 décembre 2001, le président de la Province nord a rappelé à la société "que les documents demandés dans les précédents courriers devront être fournis à la province nord dès que possible" ; qu’il ne résulte ainsi pas de l’instruction, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par la société requérante, que celle-ci ait produit à la Province nord les documents demandés pour l’instruction de ses demandes de subvention ; qu’ainsi, la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS n’est pas fondée à soutenir qu’en rejetant implicitement sa demande, la Province nord aurait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant, en quatrième lieu, d’une part qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que la Province nord n’a promis à la société requérante aucune subvention en contrepartie de ses projets, d’autre part, à supposer que des relations contractuelles aient été entamées entre la société requérante et la Sofinor, personne juridique distincte de la Province nord, de telles relations ne pouvaient engager la Province nord ; qu’ainsi, en l’absence de toute négociation contractuelle et de tout contrat conclu entre la Province nord et la société requérante, le moyen tiré de la violation du principe de la bonne foi et de la loyauté, qui ne trouve à s’appliquer qu’en matière contractuelle, est inopérant ;

Considérant en cinquième lieu, à supposer que la décision en date du 10 octobre 2003, par laquelle la province Nord a sursis à statuer sur la demande de permis de construire présentée par la société BLUE LAGOON FARMS pour le site de Foué ait été irrégulière et que les conditions de fond nécessaires à l’octroi d’un permis de construire aient été remplies, que la société requérante, qui se borne à soutenir qu’elle avait suffisamment modifié son projet pour éviter tout risque d’inondation, n’établit pas que celui-ci était apte à obtenir l’autorisation d’installation classée et avait ainsi des chances d’aboutir ;

Considérant enfin, que le droit communautaire ne s’appliquant pas à la Nouvelle-Calédonie, le moyen tiré de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique est inopérant ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Province nord ni de procéder à la mesure d’instruction demandée par celle-ci, la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d’une part que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS, qui est la partie perdante, bénéficie du remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; d’autre part, qu’il y a lieu, par application des mêmes dispositions, de condamner la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS à verser à la Province nord la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er :
La requête de la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE BLUE LAGOON FARMS versera à la Province nord la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BLUE LAGOON FARMS et à la Province nord.

Copie en sera adressée au ministre de l’outre-mer et au Haut-Commissariat de la Nouvelle-Calédonie

N° 05PA04993
DECIDE :
Décision attaquée :
Titrage :
Résumé :
Précédents jurisprudentiels :
Textes cités :
plein contentieux

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